Discours du vendredi 09.06.2023 « El Isti’faf est une valeur sociale essentielle » (P4)

Nous continuons aujourd’hui avec notre quatrième partie consacré cette fois à un terme évoqué dans le Coran, terme que l’on juge intraduisible. En effet, il s’agit de « El Isti’faf ». El Isti’faf est un terme qui renvoie à l’idée de renoncement volontaire, de délaissement. Il s’agit là d’une véritable manifestation de l’exercice de la liberté et de la responsabilité en même temps. L’Homme choisi de renoncer car il mesure la responsabilité de tout acte vis-à-vis de son semblable, vis-à-vis de la société etc. L’Ist’ifaf est donc l’acte de renoncer à une chose car on ne lui accorde pas de valeur ou par ce que sa valeur est en contradiction avec les principes qui prévaut. Cela peut concerner des aspects matériels, tels que des biens ou des propriétés, mais aussi des aspects immatériels, comme l’âme, le temps, ou encore les relations sociales et sexuelles. Généralement, cette attitude de renoncement s’exerce face à des éléments jugés illicites, nuisibles, inutiles ou excessifs. L’importance d’El Isti’faf réside dans sa capacité à instaurer une distanciation réfléchie et consciente vis-à-vis de ce qui est considéré comme néfaste ou superflu.

El Isti’faf est un terme propre au Saint Coran et se rapporte à plusieurs significations :

1. Elle désigne le fait de ne pas aspirer à acquérir ce que d’autres possèdent et de ne pas manifester de besoin en dépit de son existence. Cela découle d’une satisfaction quant à la répartition décrétée par Le Seigneur de l’Univers, Le Très Haut. Ce concept est illustré dans le verset suivant : « Aux nécessiteux qui se sont consacrés dans le sentier d’Allah, ne pouvant pas parcourir le monde, et que l’ignorant croit riches parce qu’ils ont honte de mendier – tu les reconnaîtras à leur aspect – Ils n’importunent personne en mendiant. Et tout ce que vous dépensez de vos biens, Allah le sait parfaitement. » (Al-Baqara 273). Ceci procure à l’être humain une dignité incontestable, il apprend la satisfaction, à compter sur lui-même, à faire confiance à Allah, à ne point jalouser l’autre et ainsi vivre au sein d’une société saine et paisible loin des conflits entre les humains pour des choses abjectes.
2. El Isti’faf peut également signifier l’abstention d’exploiter le bien d’une personne dont on a la tutelle, en raison de son incapacité légale, de son handicap ou de son inaptitude. Cela peut concerner une personne physique ou morale, comme celui qui gère les biens d’une utilité publique. Le Saint Coran dit : « Et éprouvez la capacité des orphelins jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de majorité ; et si vous ressentez en eux une bonne conduite, remettez-leur leurs biens. Ne les utilisez pas dans votre intérêt avec gaspillage et dissipation, avant qu’ils ne grandissent. Quiconque est aisé, qu’il s’abstienne d’en prendre lui-même. S’il est pauvre, alors qu’il en utilise raisonnablement : et lorsque vous leur remettez leurs biens, prenez des témoins à leur encontre. Mais Allah suffit pour observer et compter. » (An-Nissa 6). Selon Abdellah Ibn Abbes, l’un des compagnons, ce verset signifie que les tuteurs financièrement aisés doivent dépenser de leur propre bien sans toucher aux biens de ceux dont ils ont la tutelle. Ceux qui sont pauvres doivent s’abstenir de dépenser les biens de ceux dont ils ont la charge. Ainsi, ceux qui gèrent les biens d’un orphelin ou d’une personne dans une situation similaire, ou qui gèrent les biens publics, sont considérés comme des délégués. Leur mission consiste à administrer ces biens de manière appropriée, en respectant les limites de leur mandat. Ceci procure un sentiment d’empathie, de responsabilté et de gestion consciencieuse.
3. Le terme El Isti’faf fait aussi référence à la préservation de la pudeur, tant physiquement que moralement, malgré un âge avancé. L’Exalté dit : « Et quant aux femmes n’espérant plus se marier suite à leur âge avancé, nul reproche à elles de montrer une partie de leur beauté, sans cependant exhiber leurs atours et si elles maintiennent la pudeur c’est mieux pour elles. Allah est Audient et Omniscient. » (An-Nour 60).
4. Enfin, El Isti’faf peut exprimer le courage nécessaire pour assumer la responsabilité de préserver la chasteté, de baisser le regard, de faire preuve de patience et de recourir au jeûne jusqu’à pouvoir se marier. Le Tout Miséricordieux dit : « Et que ceux qui n’ont pas de quoi se marier, cherchent à rester chastes jusqu’à ce qu’Allah les enrichisse par Sa grâce » (An-Nour 33). Le Véridique a recommandé la chasteté pour ceux qui aspirent au mariage jusqu’à ce qu’il se réalise. Dans ce contexte et d’autres, le Prophète (BPSL) a dit, comme cité dans Sahih Muslim: « Celui qui se montre chaste, Allah le maintiendra ainsi, celui qui se contente, Allah l’enrichira, celui qui se montre patient, Allah lui en accordera davantage, et nulle personne ne s’est vue octroyée meilleur, ni plus abondance que la patience ». Dans Sahih Al-Boukhari, le Prophète (BPSL) s’adresse aux jeunes en disant : « Ô jeunes, celui d’entre vous qui soit capable de se marier [1] qu’il le fasse, car, c’est plus préservateur pour le regard et plus protecteur dans vos rapports, en revanche, celui d’entre vous qui est dans l’incapacité de se marier qu’il jeûne, car le jeûne est un bouclier ». Comment ne pas lire ici un sentiment de liberté suprême, se libérer vis-à-vis de l’instaint contraire aux valeurs humaines.

L’importance de la valeur d’El Isti’faf dans la société est manifeste dans plusieurs aspects :

1. Renforcement de la confiance en soi et la confiance mutuelle : lorsque les individus s’engagent dans la pratique d’El Isti’faf, cela renforce la confiance entre eux et consolide les liens sociaux.

2. Facilitation de l’entraide et de la communication efficace : El Isti’faf adoucit les interactions entre individus, rendant ainsi la coopération et le travail collectif plus aisés.

3. Promotion du respect et de la considération : ceux qui incarnent la valeur d’El Isti’faf démontrent un respect et une considération plus grands pour les autres et pour la société dans son ensemble.

4. Renforcement de l’unité sociale : El Isti’faf aide à renforcer les liens sociaux entre individus, ce qui amplifie le sentiment d’appartenance et d’union au sein de la société.

5. Manifestation de la paix et de la stabilité : les sociétés qui embrassent la valeur d’El Isti’faf sont souvent caractérisées par une tranquillité et une stabilité accrue, grâce à la réduction des tensions et des conflits entre individus.

En conclusion, El Isti’faf est l’une des valeurs les plus cruciales dans les sociétés. Il favorise la compréhension et le respect mutuel entre individus, reflète la transparence et l’intégrité de ceux qui l’adoptent, et les aide à éviter des situations qui pourraient ternir leur réputation ou les exposer à la critique ou à la déception. De plus, cela inspire confiance et respect lors des interactions avec autrui.

Compte tenu de l’importance d’El Isti’faf, le Prophète Mohamed (BPSL) a invoqué Allah en disant, comme rapporté dans Sahih Muslim : « Seigneur, je t’implore la guidance, la piété, El Isti’faf et la richesse ».

Que la prière et la bénédiction d’Allah soient sur notre Bien-aimé Mohamed et sur son foyer

[1] Être capable de se marier comporte la capacité d’avoir un rapport intime et la capacité d’assumer les autres responsabilités issues du pacte du mariage, c’est pourquoi, le Saint Coran a traité ce point comme suit : « ceux qui n’ont pas de quoi se marier, cherchent à rester chastes jusqu’à ce qu’Allah les enrichisse par Sa grâce » (An-Nour33) « Et quiconque parmi vous n’a pas les moyens pour épouser des femmes libres croyantes » (An-Nissa 25)